Les Petites Filles modernes (titre provisoire) - Joël Pommerat

De cette pièce on peut dire que c’est une histoire, vraiment une histoire au sens premier, une forme que Joël Pommerat appelle « théâtre-roman », parce que « les choses se racontent en même temps qu’elles se vivent ». C’est une histoire simple et complexe à la fois, constituée en son sein de plusieurs histoires. À la manière d’un conte, il imagine la rencontre de deux très jeunes filles, obligées de déjouer les lois du monde réel et de s’affranchir de celles des adultes pour vivre leur pacte d’amitié qu’elles veulent indestructible. Ça parle d’amour, au sens large, au sens où l’amitié serait de l’amour mais le vrai propos serait plutôt la peur et la colère face à des règles imposées. Quels pouvoirs l’enfance a-t-elle pour s’opposer à l’autorité de la parole des adultes ? Joël Pommerat fait le récit d’événements cruels et naïfs où le surnaturel serait pour ses personnages le seul moyen d’affronter des réalités inconcevables. Mais n’est-ce pas la nature des contes, ceux que les enfants adorent pour se faire peur, qui les aident à comprendre le monde brutal dans lequel ils cherchent à devenir, à être et rester eux-mêmes ? Entre onirisme et monstrueux, extraordinaire et banalité, le plateau du théâtre devient le lieu où l’on peut dépasser l’effroi, un lieu à la frontière trouble entre imaginaire et réalité. Ce spectacle serait un contre-pied à Cendrillon, présenté au TNP en 2014, qui déconstruisait, de façon franche, les notions de « merveilleux », de « magique » et de « surnaturel » alors qu’ici elles sont prises au sérieux, sans parodie, au premier degré. Est-ce que la part sombre et grave prendra le dessus sur l’humour et la grâce ? Est-ce que le sentiment d’enfermement sera plus prégnant que la délivrance ? On verra.