Amadoca - Jules Audry

Dans un centre de réhabilitation de Kyiv, un soldat est alité. Blessé, méconnaissable, revenu du front sans mémoire, il oscille entre la vie et la mort. À son chevet, une femme le veille. Elle se présente au personnel de soin comme son épouse, Romane. Elle affirme avec force qu’il est Bohdan, celui qu’elle a cherché pendant des mois avec l’aide de sa communauté virtuelle, remuant ciel et terre. Pour convaincre le monde, elle doit d’abord recomposer la mémoire du blessé, lui rendre ses souvenirs, faire apparaître les images d’un passé lointain. En lui montrant des photos, en évoquant le bonheur de leur vie à la campagne, en exhumant l’histoire d’amour tragique de la grand-mère Oulyana, elle provoque chez Bohdan des réminiscences troubles, hallucinées, fantasmagoriques.
Les époques et les récits s’entremêlent, l’histoire de Bohdan et celle de l’Ukraine se confondent. Dans cette tentative de reconstruction intime, émerge alors une question plus large : comment cicatriser la mémoire meurtrie de tout un peuple ?
Depuis 2016, Jules Audry travaille régulièrement en Ukraine. Il s’y installe deux ans, à la direction artistique du Théâtre national d'Ivano-Frankivsk, où il dirige des acteurs ukrainiens dans des adaptations d’œuvres de Nicolas Gogol, d’Albert Camus (Caligula), et dans Felix Austria, en 2019, qui marque le début d’un compagnonnage avec Sofia Andrukhovych. Aujourd’hui, il adapte Amadoca, roman-monde de cette autrice majeure de la scène littéraire ukrainienne. À travers l’histoire de Romane et de Bohdan, de cette femme qui veut redonner son passé à cet homme sans mémoire, Jules Audry et Sofia Andrukhovych portent ensemble le combat contre l’effacement de l’histoire d’un pays, contre la négation des traumatismes que l’Ukraine porte en elle : les échos des guerres qui l’ont façonnée, de l’Holocauste sous l’occupation allemande à la guerre contre la Russie aujourd’hui.